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Swiping for God : islamiser les rencontres ou séculariser l’islam ?

Jun 04, 2023Jun 04, 2023

L’introduction des technologies de l’information et de la communication (TIC) a numérisé de manière exponentielle la plupart des interactions sociales, y compris les plus particulières telles que les rencontres. En effet, le lancement de TIC de niche conçues dans un but exclusif de rencontres, comme Tinder en 2012, a non seulement produit un changement de paradigme sur le plan sociologique (Sumter, Vandenbosch et Ligtenberg 2017), mais a également ajouté une diversité algorithmique à ceux qui étudient les TIC. À mesure que la construction identitaire s’est effectivement étendue au cyberespace, simulant un laboratoire social pour les identités (Abubakar, Noorani et Rashidi 2020), elle a produit des répercussions transnationales. Ici, la majorité des recherches en relations internationales (RI) se concentrent sur les TIC en réseau, pour leur rôle dans la perturbation de la communication hiérarchique. Néanmoins, il devrait exister un espace pour que les TIC non mises en réseau, telles que les applications de rencontres, soient discutées dans la littérature, en particulier pour leur rôle dans la capture des évolutions identitaires. Cela n’est nulle part plus évident qu’en ce qui concerne les TIC pour les rencontres musulmanes.

L’architecture principale d’une écrasante majorité des TIC de rencontres suit toutes le même format de base de Tinder, de loin le plus populaire (Sumter, Vandenbosch et Ligtenberg 2017). Par exemple, toutes les applications de rencontres sont géosociales dans leur capacité à générer des partenaires potentiels dans un emplacement préféré. Cela couvre non seulement le rayon des utilisateurs, mais peut s'étendre au-delà de leurs états, permettant l'initiation d'une communication amoureuse sans contraintes sociales, physiques et spatiales (Couch et Liamputtong 2008 ; Subrahmanyam, Smahel et Greenfield 2006). En d’autres termes, la numérisation a permis la transnationalisation des rencontres modernes. De même, toutes les applications de rencontres importent des données sociales et de réseau de base provenant d’autres TIC telles que Facebook, Google et Twitter. Seule une poignée d’applications de rencontres vérifient les données importées par reconnaissance faciale ou confirmations téléphoniques. Enfin, toutes les TIC de rencontres sont conçues pour privilégier le profil visuel d'un utilisateur, avant toute autre dimension personnelle, permettant aux utilisateurs soit d'aimer en swipant vers la droite, soit de passer en swipant vers la gauche. Dans le cas où deux utilisateurs s’apprécient mutuellement, une correspondance est générée.

Le principe de base des applications de rencontres est de présenter aux utilisateurs des partenaires possibles, en les épuisant de choix. Néanmoins, la plupart des applications imposent une limite aux balayages quotidiens, remplissant la capacité de balayage après une contrainte de temps ou proposant des abonnements premium. C’est cette combinaison d’utilisateurs payants et d’espace publicitaire sur laquelle repose le modèle économique de la plupart des TIC de rencontres. Au début d'une recherche, une fonction de filtrage est fournie, permettant aux utilisateurs d'exclure tous les partenaires possibles en dehors de leur sphère idéale. C'est cette triple combinaison de culture du swipe, de recharges quotidiennes et de filtrage qui aboutit à ce qui a été appelé « la gamification des rencontres » (Hakala 2013). Par conséquent, la pléthore de partenaires possibles accessibles dans la zone géographique souhaitée signale un marché relationnel post-rareté, encourageant le saut de match. Alimenté par la perception d’une offre infinie, le match hopping est la poursuite brusque de partenaires possibles, caractérisée par une courte durée d’attention.

Il existe cependant des différenciations au sein des TIC. Par exemple, « Bumble » se positionne comme une TIC de rencontres pour les femmes. C’est ce qu’il fait en permettant aux femmes d’initier le contact en premier. Il attire une base d'utilisateurs plus instruits et fournit plus de filtres que Tinder, tels que les habitudes de remise en forme, les attentes en matière de rencontres, le tabagisme, les opinions politiques et l'identité religieuse. Il prend également en charge les SMS vocaux et photo, pour les matchs. Pendant ce temps, « Happn » scanne le rayon de 250 mètres des utilisateurs, souvent en public, les alertant de la présence d'autres utilisateurs, cherchant à sortir avec eux. « Hinge », d'autre part, étend la gamme de fonctionnalités gratuites, au-delà de celle de Tinder et impose une limite de 8 swipes par jour, contre 100 swipes toutes les 12 heures pour Tinder. La différenciation des autres applications de rencontres est basée sur la foi.

Prenons, par exemple, le cas des applications de rencontres musulmanes qui intègrent la religion à un processus laïc longtemps rejeté par la tradition islamique : les rencontres. Il semblerait que l’un des moyens d’intégrer la religion au processus de datation numérisé soit la quantification de la religion elle-même, à travers différents paramètres. Par exemple, sur « Muzz », une application de rencontres basée sur la foi islamique, les utilisateurs peuvent quantifier leur religiosité en s’identifiant comme étant très pratiquant, modérément pratiquant, assez pratiquant et, curieusement, non pratiquant du tout (Abubakar, Noorani et Rashidi 2020). Les motivations de ceux qui s’identifient comme non pratiquants à utiliser une application de rencontres musulmanes constituent un cas déroutant, qui mérite une enquête plus approfondie. Cela suggère l’utilisation de l’Islam comme marqueur identitaire, exclusivement, dépourvu de la religion elle-même. D’un autre côté, cela suggère également un désintérêt pour les relations interconfessionnelles en particulier, par une insistance à rechercher des membres de la même foi, même s’ils ne la pratiquent pas.